Pour traiter ce thème, il importe de bien distinguer les effets de la consommation modérée de boissons alcoolisées :

1. sur la diminution du risque cardiovasculaire chez le patient diabétique
2. sur la prévention de la survenue d'un diabète de type 2.

Quelques travaux récents ont été réalisés sur les relations entre l'effet de l'éthanol et l'insulinosécrétion ou l'insulinorésistance chez des sujets normaux et chez des sujets diabétiques de type 2 (non insulinodépendants). Les interactions entre alcool et diabète sont très rarement étudiées dans le diabète de type 1 ou insulino-dépendant, dont l'origine est essentiellement génétique.

Effet de l'alcool (molécule d'éthanol) sur l'insulinorésistance

L'insulinorésistance est un facteur de risque cardio-vasculaire bien connu. Elle a un rôle important dans la pathogénie de l'hypertension artérielle, des dyslipidémies et a été incriminée dans la survenue plus fréquente de maladies cardio-vasculaires chez les diabétiques de type 2.

Des auteurs australiens (Flanagan, 2000) (1) ont étudié quelles étaient les relations entre la consommation modérée d'alcool, l'insulinorésistance et les autres paramètres de la tolérance glucidique chez 154 hommes et femmes jeunes. Ce d'autant que d'autres études suggéraient qu'une consommation modérée de boissons alcoolisées était associée à une réduction des insulinémies à jeun et stimulée.

Les sujets ont rempli un questionnaire sur la fréquence et la quantité de leur consommation d'alcool, et notamment de bière, puis l'insulinosensibilité et la tolérance au glucose ont été mesurées par un test de tolérance au glucose intra-veineux avec une analyse selon le modèle minimal. L'insulinosensibilité était négativement corrélée à l'index de masse corporelle. Les femmes étaient moins sensibles que les hommes. L'insulinosensibilité était corrélée positivement avec la quantité d'éthanol ingéré même après ajustement sur l'IMC et le sexe.

Effet cardio-protecteur de l'éthanol chez les diabétiques de type 2

Une association inverse entre consommation modérée d'alcool et maladie coronarienne a été clairement établie par les études épidémiologiques.

L'étude sur les médecins américains (87.938 recrutés dont 2.790 diabétiques) (Physicians' Health Study) (Ajani, 2000) (2) a suivi ceux indemnes à l'inclusion de pathologies cardio-vasculaires, hépatiques ou de cancers pendant en moyenne cinq ans. Dans cette population, la consommation modérée de boissons alcoolisées, dont celle de la bière ou du vin, a été associée à une diminution du risque cardio-vasculaire identique chez les hommes diabétiques et les non diabétiques.
Quand seuls les diabétiques de type 2 (2419 hommes) d'une cohorte de professionnels de santé (Health Professionals'Follow-up study, 51529 sujets) ont été étudiés (Tanasescu, 2001) (3), la consommation d'alcool était inversement associée au risque cardio-vasculaire.

Chez les femmes, l'étude sur la santé des infirmières (Nurses' Health Study) arrive à la même conclusion (Solomon, 2000) (4) toujours pour des consommations modérées (5 à 15g d'alcool par jour).

En janvier 2002 sont parus les recommandations et principes nutritionnels de l'Association Américaine du Diabète (ADA).
L'alimentation est un élément majeur du traitement du diabète et les auteurs (M.J. Franz, 2002) (5) ont passé en revue les effets des macro- et micro-nutriments dans les diabètes de type 1 et 2.
En ce qui concerne l'alcool, ils rappellent que des quantités modérées peuvent stimuler l'action hypoglycémiante de l'insuline exogène et de certains hypoglycémiants oraux mais que, dans de nombreuses études, à ces doses et consommé avec des aliments, il n'y a pas d'effet sur les glycémies et les insulinémies. L'effet protecteur cardiovasculaire existe également chez les diabétiques de type 2.
Les recommandations de l'ADA sont d'avoir une consommation modérée et régulière (un verre par jour pour les femmes, deux verres par jour pour les hommes) de la boisson alcoolisée de son choix .
La consommation de 25 à 50 cl de bière par jour, et notamment pendant les repas, peut donc être encouragée chez le diabétique de type 2.

Une faible quantité d'éthanol protègerait du risque de survenue d'un diabète de type 2

L'étude sur les médecins américains (Ajani, 2000) (6) a également examiné l'association entre une consommation faible à modérée d'alcool et l'incidence du diabète de type 2 chez les hommes. Il s'agissait d'un travail prospectif réalisé sur 20.951 participants, âgés de 40 à 84 ans, indemnes à l'inclusion de maladies cardiovasculaires, de cancer ou de diabète et qui avaient correctement remplis un questionnaire sur leur consommation de boissons alcoolisées, dont la bière ou le vin. Le risque relatif de développer un diabète même après ajustement sur l'âge, le tabagisme, l'activité physique et l'IMC était plus faible chez les consommateurs modérés de boissons alcoolisées.

Une autre équipe américaine a étudié une cohorte de 8.663 hommes âgés de 30 à 79 ans sans maladies cardio-vasculaires ou métaboliques connues à l'inclusion (Wei, 2000) (7) pendant en moyenne six ans. Ils ont trouvé une association en U entre la consommation d'alcool et la survenue du diabète de type 2 avec l'incidence la plus basse pour le quintile 61,9 à 122,7 grammes d'alcool par semaine.

KM Conigrave (2001) (8) a repris les résultats de l'étude sur les médecins américains mais en s'intéressant aux schémas de consommation et aux types de boissons consommées avec un recul de douze ans. Il a ainsi montré que la fréquence de consommation est inversement corrélée avec le diabète. Comparés aux abstinents, les hommes buvant 15 à 29,9 g d'alcool par jour ont un risque relatif de 0,80 (0,67-0,96) après ajustement sur différents paramètres dont l'âge et l'IMC. La bière comme toutes les boissons était inversement corrélée au risque de diabète de type 2.

En conclusion, la bière, consommée en quantité modérée, grâce à l'éthanol qu'elle contient, a un effet protecteur sur le risque cardio-vasculaire, mais aussi sur celui de survenue d'un diabète de type 2.


Bibliographie
1. Flanagan DEH et al. Alcohol consumption and insulin resistance in young adults. Eur J Clin Invest 2000 ; 30 : 297-301
2. Ajani UA et al. Alcohol consumption and risk of coronary heart disease by diabetes status. Circulation 2000 ; 102 : 500-5
3. Tanasescu M et al. Alcohol consumption and risk of coronary heart disease among men with type 2 diabetes mellitus. J Am Coll Cardio 2001 ; 38 :1836-42
4. Solomon CG et al. Moderate alcohol consumption and risk of coronary heart disease among women with type 2 diabetes mellitus. Circulation 2000 ; 102 : 494-9
5. Franz MJ et al. Evidence-based nutrition principles and recommendations for the treatment and prevention of diabetes and related complications. Diabetes Care. 2002 ; 25 : 148-98
6. Ajani UA et al. Alcohol consumption and risk of type 2 diabetes mellitus among US male physicians. Arch Intern Med 2000 ; 160 : 1025-30
7. Wei M et al. Alcohol intake and incidence of type 2 diabetes in men. Diabetes Care 2000 ; 23:18-22
8. Conigrave KM et al. A prospective study of drinking patterns in relation to risk of type 2 diabetes among men. Diabetes 2001 ; 50 : 2390-5