Bière et pain : le même ancêtre | L'élaboration de la bière


"Bière et pain : le même ancêtre"


Depuis la nuit des temps, l'histoire de la bière et du pain se confondent. Bière et pain sont issus de la même bouillie originelle.
Les femmes ont une place toute particulière dans cette histoire puisque la préparation de la bière leur a été longtemps dévolue.

Une histoire remontant aux origines du monde

Les premiers pains étaient des bouillies de céréales dont la contamination par des ferments ou levains a permis de former une pâte qui gonflait et dont la cuisson a progressivement conduit à cet aspect si caractéristique que l'on retrouve encore aujourd'hui.
La contamination de la même bouillie par des levures a conduit à une fermentation alcoolique, à l'origine d'une boisson ancêtre de la bière.

Longtemps le pain a été une bière mangeable et la bière un pain buvable.
Les premiers écrits faisant état de la bière remontent à l'époque mésopotamienne, plus de 4000 ans avant Jésus-Christ.
La bière babylonienne était épaissie de farine, brassée de nouveau avant une seconde fermentation et était autant mangeable que buvable. Lorsqu'on la cuisait, elle donnait du pain. La bière, déjà bien avant les Egyptiens, devint une boisson universelle, seules la Grèce et la Sicile restant de tradition vinicole.
Partout où l'on cultive des céréales, on brasse de la bière.

L'empereur Domitien, qui a interdit la viticulture dans les régions céréalières, a probablement fait beaucoup pour le développement de la bière.

Bière et Pain : les céréales, la même matière première

Bière et pain sont issus de produits naturels et en premier lieu des céréales.
Pour le pain, on utilise essentiellement le blé mais pas exclusivement. Selon les différentes régions productrices, il existe des pains fabriqués à partir de farines d'autres céréales, voire de mélanges de céréales (pain de seigle, pain de froment...).
La bière est, elle, constituée principalement d'orge malté, mais on ajoute au malt des grains crus de maïs ou d'autres céréales. Si l'orge est la céréale la plus utilisée dans nos régions, on peut fabriquer de la bière avec n'importe quelle autre céréale et il existe des bières de millet, de maïs, de riz...
Bière et pain naissent donc au moment des semailles, puis des moissons. La Bière de Mars, brassée au froid de l'hiver avec les grains de la dernière récolte, est là pour rappeler l'importance des saisons et de la moisson, même si aujourd'hui on peut brasser de la bière à tout moment.

Farine de blé, farine de malt

Pour faire du pain, il faut une farine obtenue par broyage des grains de céréales. C'est l'étape de la meunerie.
Le malt est obtenu par germination puis séchage ou tourraillage, avant d'être à son tour concassé pour obtenir une mouture faite de farine, gruaux et paille.

Brassage et pétrissage

Farine ou mouture sont ensuite mélangées avec de l'eau. Dans un cas, il s'agit du pétrissage fait par le boulanger, dans l'autre cas, du brassage réalisé par le brasseur.

Le même levain vivant

Le levain est indispensable pour, comme son nom l'indique, faire lever la pâte du pain et lui donner également cet aspect si caractéristique avec la mie. La levure est nécessaire pour obtenir une fermentation à l'origine d'une bière de qualité.

Dans les deux cas, il s'agit de levures, micro-organismes vivants, qui agissent sur la pâte pour la faire lever d'un côté, et obtenir la fermentation alcoolique de l'autre. La levure utilisée pour fabriquer le pain et la bière est parfois la même. A ce sujet, les Gaulois étaient déjà très réputés en tant que boulangers. Les meilleurs boulangers de Rome venaient de Gaulle. Leur secret, jalousement gardé, était l'utilisation des levures de bière récupérées dans la mousse pour faire lever le pain qui avait alors un moelleux inégalé par ailleurs.

Au cours de la fermentation, la levure produit aussi des gaz, en particulier le gaz carbonique. Ces gaz font lever la pâte et sont à l'origine, après cuisson, des trous dans la mie. Les bulles dans la bière ont la même origine.

Propriétés nutritionnelles

Le pain et le moût servant à fabriquer la bière ont une composition peu éloignée. Contrairement au pain, la bière contient de l'alcool dû à la fermentation alcoolique. Le pain contient majoritairement des glucides ; s'il en reste dans la bière, ils y sont en concentration faible. Les deux produits sont riches en sels minéraux, en vitamines (du groupe B principalement) et en acides aminés.

La bière est aromatisée avec du houblon. Certains pains contiennent également des épices diverses ou des plantes.

Un éclat d'or

Le produit fini a un éclat doré dû, pour le pain, à la légère caramélisation de la croûte et, pour la bière, à la couleur du malt plus ou moins torréfié, parfois même caramélisé.




L'élaboration de la bière : des matières premières aux produits finis


L'Ecole supérieure de la brasserie française de Nancy définit la bière de la manière suivante : "la bière est le produit de la fermentation d'un moût de bière, liquide sucré qu'on obtient en faisant macérer dans de l'eau, à une température convenable, de la farine de malt ou d'orge germée), en séparant le liquide de la matière solide insoluble, et en faisant bouillir ce liquide avec du houblon".

Depuis l'ancienne Egypte, les principes des procédés de fabrication de la bière sont restés inchangés, comprenant les étapes successives : maltage, brassage, fermentation et garde.

Peu d'ingrédients contribuent à l'élaboration de la bière. Il s'agit des céréales, de l'eau, du houblon et des levures.

Les céréales varient selon les régions et les peuples brasseurs : maïs ou manioc chez les amérindiens ; soja chez les hindous et les perses ; riz chez les asiatiques ; millet chez les africains ; orge, blé chez les celtes ; seigle, avoine, épeautre, millet chez les scythes, les slaves ou les russes.

Le maltage

Les graines d'orge crues sont nettoyées afin d'éliminer de leur surface les impuretés, les micro-organismes ou certains composés activateurs ou inhibiteurs. Pour obtenir une homogénéité, les grains sont calibrés avant d'être trempés régulièrement et de subir une oxygénation. Au cours de ce trempage, le volume des grains d'orge augmente de manière importante par absorption d'eau, le degré d'humidité, passant de 10-15 % à 38-48 %.

L'embryon du grain commence alors à fabriquer des enzymes qui contribuent à la dégradation de l'amidon de l'orge en dextrines et maltose. Les grains germent et des radicelles apparaissent, celles-ci seront éliminées (dégermage).

Les grains sont ensuite séchés afin d'éliminer l'humidité restante par passages sur des tours. Le touraillage est une étape importante puisqu'elle va permettre de définir la couleur du produit fini (pâle ou foncée), son caractère (doux ou amer) ainsi que son arôme.

Les grains d'orge qui sont devenus grains de malt et dont l'humidité est alors de 4 à 5 % sont stockés pendant deux à six semaines. Le goût sucré est apparu, la fiabilité est plus importante, l'arôme plus marqué et la couleur plus ou moins foncée, selon l'intensité du coup de feu final.

Le brassage

Le malt est concassé en une fine farine avant d'être mélangé dans une cuve avec de l'eau chaude. Le mélange est progressivement porté à température élevée dans cette cuve-matière. De l'ordre de dix-neuf kilogrammes de malt sont nécessaires à l'obtention d'un hectolitre de bière à 5° d'alcool.

Parfois, selon les matières disponibles, d'autres matières amylacées servent de base à la fabrication du moût.

Au cours de ce mélange farine de malt-eau chaude, les diastases transforment l'amidon en sucre.

Le moût ainsi obtenu en deux à six heures est filtré afin d'éliminer les résidus solides des enveloppes du pain d'orge (ou drêches) avant d'être porté à ébullition, stérilisé et additionné de cônes de houblon (à raison de 100 à 200 grammes pour un hectolitre).

Le houblonnage est une véritable infusion de moût et de cônes de houblon pendant une à deux heures. Le mélange est ensuite rapidement refroidi sur des échangeurs de température, à l'abri de l'air avant d'être ensemencé par la boure de bière.

Les premières cultures de houblon sont apparues en 768 en Bavière. Depuis le traité de l'abbesse Sainte Hildegarde, en 1070, les brasseurs additionnent le houblon aux autres composants de la bière. Récolté généralement entre août et septembre, le houblon est considéré comme "l'épice de la bière", lui conférant arôme et amertume. Le houblon est également connu pour ses propriétés sédatives et désinfectantes.

Le houblon (ou Humulus lupulus) est une plante dioïque (plantes mâles et femelles) de la famille des cannabicées et du genre des urticacées. Il s'agit d'une plante grimpante atteignant cinq à sept mètres de haut dont les tiges s'enroulent, autour d‘un tuteur, dans le sens des aiguilles d'une montre.

A l'exception de la Grande-Bretagne, seules les cultures des fleurs femelles sont utilisées. Lorsque celles-ci sont fécondées, le poids des graines augmente et la clarification de la bière est plus difficile à obtenir. Les cônes de fleurs femelles contiennent la "lupuline", poudre jaune or, source d'huiles essentielles et de résines amères (comprenant deux acides principaux : l'humulone et la lupulone).

La fermentation

Grâce à l'oxygénation du moût, la levure se multiplie puis se met à fermenter les sucres du moût.

Cette fermentation principale qui dure environ une semaine est une fermentation alcoolique, transformant les sucres en alcool et gaz carbonique, ce dernier permettant la formation de la mousse.
Deux procédés de fermentation sont utilisés : la fermentation haute et la fermentation basse, se caractérisant par une température différente et des levures également un peu différentes.
La fermentation haute est en général utilisée pour des bières ambrées ou brunes parfois blondes. Elle se produit à une température plus élevée de 14 à 25° C pendant trois à six jours. Au cours de la fermentation, les levures Saccharomyces cerevisiae remontent à la surface du moût.

La fermentation basse est obtenue, pendant sept à dix jours, à une température de 5 à 12°C, grâce à l'ensemencement par des Saccharomyces carlsbergensis qui floculent en se déposant au fond de la cuve. Cette technique est surtout utilisée pour les bières blondes.

En marge de ces deux procédés, la fermentation spontanée est beaucoup moins utilisée par les brasseurs car plus onéreuse. Elle procure au produit fini un bouquet caractéristique. L'ensemencement du moût est plus lent, se faisant au contact de l'air par une flore complexe de levures.

La garde

Après fermentation et récolte de la levure, la bière est conservée dans des cuves de garde pendant plusieurs semaines à une température proche de 0° C. Le produit mûrit et parfait son bouquet. Une dernière filtration est ensuite réalisée avant le sous-tirage ou la mise en fûts et en bouteilles.